Qu'il est loin ce jour de mars 2004, où, inconnue du public, la jeune et timide Yui Yoshioka éclaboussait de son talent les juges d'une audition organisée par Sony Music Japan. Depuis, YUI a pris une dimension aussi surprenante que fulgurante, devenant une valeur sûre avec un chiffre de vente conséquent quasiment assuré à chaque sortie, et un capital sympathie, bien qu'il ait aussi son pendant négatif, solide. Un an après un second album vendu à plus de 680 000 exemplaires, son troisième opus, intitulé I Loved Yesterday sort dans les bacs.
Autant mettre tout le monde d'accord de suite, oui, YUI nous offre ici un album archi-classique et sans aucune prise de risque, préférant offrir à ses fans des titres sans grande surprise mais réussis plutôt que de tenter des expérimentations foireuses et mal maitrisées. Mais il serait hypocrite de se cacher derrière ces faux-semblants pour dénigrer cet album. Il serait tout aussi crédule, bien qu'une partie des fans préfèrent se le cacher, de croire que l'image que nous renvoit YUI n'est pas un argument de vente en or massif pour Sony, et que ce dernier ne tente pas de la modeler pour aller dans ce sens. YUI est devenue un tout, où Sony nous vend le fond autant que la forme, appuyant sur le côté naturel de la chanteuse et ceci à outrance, ce qui pourrait à terme être négatif pour la jeune artiste. Mais il ne faudrait pas oublier que YUI est depuis son plus jeune âge réservée et timide, c'est un trait de caractère qui lui est propre et qui n’est en rien dû aux costards cravates de chez Sony.
Beaucoup plus proche de Can't Buy My Love que de From Me To You, on peut retrouver le pendant de nombreuses pistes de I Loved Yesterday dans le second album de la chanteuse de Fukuoka. Certains y verront là une facilité couplée à un manque d’imagination flagrant, mais la qualité des morceaux coupent court à ses attaques. Et bien que restant dans le même registre que par le passé, YUI nous livre encore une fois un album de qualité, qui bien qu'attendu et classique, se situe plusieurs coudés au-dessus de la concurrence, et surtout, à défaut de convaincre les plus septiques, ravira sans difficultés les fans. Avant tout porté par la passion, YUI nous livre un album qui respire son amour pour la musique, oscillant entre ballades pop et titres plus rock, et surtout, chose sans doute la plus importante, sans prétention mais avec simplement le désir nous offrir une musique qu’elle aime. Tandis que les fans seront aux anges les autres risquent de voir YUI s’enfermer dans ce registre pop/rock ultra-codifié, et bien qu’elle y excelle, on ne peut qu'émettre une légère crainte pour l’avenir.
Mais là où il serait difficile d'émettre une critique c'est au niveau des inédits de l'album, car pas moins de 10 pistes sur les 13 que compte I Loved Yesterday sont nouvelles. Si l'on ne pleurera pas l'absence du très moyen Understand, on peut regretter que JAM (B-Side de Love & Truth) soit quant à lui aussi passé à la trappe. Outre les déjà entendus My Generation, morceau à la compo ultra-classique, Namidairo, titre dans la plus pure tradition de YUI, qui bien que légèrement répétitif sur la se révèle agréablement touchant, et Love & Truth, chanson thème du film Closed Note avec Erika "la femme la plus détestée du Japon" Sawajiri, l'album oscille entre agréables surprises et légères déceptions, laissant percevoir une légère irrégularité dans la qualité des morceaux. Du côté des semi-déceptions, on peut noter Am I wrong, morceau pop-rock trop classique, ainsi qu’I will love you et My Friend, titres ultra-classiques qui malheureusement se perdent un peu dans une compo sans imagination et trop plates. Sans être foncièrement mauvais les deux morceaux souffrent d’un manque d’inventivité et d’une réelle profondeur. C'est du YUI pur et dur, mais où il manque cette étincelle, ou prise de risque, qui serait la bienvenue. Laugh Away, très proche d'un CHE.R.RY, est un morceau pop/rock à la composition classique mais qui n'empêche en rien de prendre notre plaisir durant cet instant sentant bon le printemps. Find Me, bien que suivant une ligne ultra-convenue et sans aucune originalité s'en sort assez bien grâce à de petites montées dans les aigus en début de refrain. Comme l'avait été RUIDO dans Can’t Buy My Love, No Way est un petit bol d'air frais où YUI nous offre un titre pour l’occasion réellement rock, où elle se fait tout simplement plaisir. Le seul regret est la durée du morceau, trop court puisqu’il ne fait office que d'interlude, là on l’on aurait avec plaisir apprécié un morceau complet. Daydreamer, dans la veine de Rolling Star, est sans doute le meilleur morceau de l’album. Porté certes par un cheminement et une instru classique, le morceau est particulièrement efficace, porté par des riffs de guitares électriques, déjà entendus milles fois, mais faisant mouche à tous les coups de façon imparable. S'en suit Love is all !. Loin de ce que le titre pourrait laisser penser le morceau est basé sur une critique que YUI reproche à de nombreux journalistes qui l'interviewaient sans connaître son travail. Le morceau est une ballade pop sans prétention qui tire sa force de son refrain, alternant passages calmes et d’autres plus enlevés où l’on retrouve ce grain de voix si attachant que possède YUI. We Will Go est lui aussi l'une des très bonnes surprises de l’album. S'éloignant des compositions habituelles, le morceau s’en sort admirablement bien grâce à un ensemble de guitares fort bienvenu qui permet au titre de garder un tempo accrocheur durant toute ça durée. A sa suite OH YEAH ! est un titre pop joyeux. C’est du classique mais qui encore une fois marche parfaitement.
En tant que fan tous ses menus défauts n’arrivent pas à me faire bouder mon plaisir et je conseillerai sans hésitation I Loved Yesterday mais il faut l’avouer qu’il y a de quoi être légèrement déçu devant cet album archi-classique jusqu’aux bouts des doigts; il serait appréciable de voir une YUI plus entreprenante et plus encline à prendre des risques. De talent elle en regorge mais il faudrait faire attention à ne pas tomber dans une facilité outrancière, qui ravirait les fans sans difficulté, la preuve en est sa troisième tournée est complète, mais qui lassera les autres, voire même les détourneront définitivement. Mais comme souvent, au vue des très bons chiffres de vente de l’album, on peut se demander pourquoi changer une équipe qui gagne. Nombres d’artistes nous sortent des galettes identiques depuis plusieurs années et continuent à les écouler sans problème. Mais en tant que fan, et bien qu’appréciant le travail d'YUI, une petite évolution serait là bienvenue pour éviter de lasser trop rapidement l’auditeur, et par prolongement, de se retrouver au placard.