Vivre en sacrifiant la nuit précédente pour me préparer au lendemain, ou vivre sans faire de différence entre demain et aujourd'hui ? Laquelle de ces deux façons de vivre me procurera la vie la plus dense, la plus pleine ? Toute paresseuse que je suis, moi aussi j'ai envie de vivre avec profit, même si je dois perdre du temps dans cette recherche, même si au bout du compte cela ne doit me mener qu'à une forme de masturbation égotiste. J’ai bazardé tout ce que j’avais dans ma chambre, je ne vais plus à l’école... Je voulais savoir ce qui me resterait quand j’aurais tout vidé, eh bien, il ne me reste rien. Et finalement, je vois que c’est cet ordinateur que j’avais foutu à la poubelle qui commence une nouvelle vie avant moi, sacré veinard...
17 ans, des vacances scolaires, un premier roman et la plus jeune lauréate du prix Bungei. Voilà de quoi planter le décor autour du premier roman de Risa Wataya tout en résumant le sentiment qui en ressort une fois le court récit terminé. Avec un pitch de départ plus que sympa et attrayant, nous entraînant dans les pas de Asako, lycéenne de terminale qui a déserté « la guerre des examens » en décidant de sécher les cours, et Kazuyoshi, génie de l’informatique de douze ans, qui se lancent tous deux dans la gestion d’un chat érotique sur le net, cette première de la jeune écrivain japonaise a impressionné, notamment, excusez du peu, un certain Ryu Murakami, au moment de sa sortie.
L'âge de l’auteur se ressent surtout au niveau du style, balbutiant à certains moments, simpliste à d'autres, tout comme la structure et mise en page du texte, parfois fouillis et sans réelle ligne directrice. Mais, paradoxalement, Install étant rédigé à la première personne, ces faiblesses cadrent, involontairement, avec le récit car n’étant pas en décalage avec ce que l’on pourrait attendre de quelque chose écrite par une lycéenne (Asako). De même, le roman a pour lui son faible nombre de pages, évitant une surdose de ce qui aurait pu poser problème et être rébarbatif pour quelque de plus conséquent. Il n’en reste que malgré ses lacunes stylistiques, Risa Wataya arrive à rendre son récit attachant, empreint de légèreté, voir même de naïveté, et dépeindre, à sa façon, cette lycéenne quelque peu pommée, oscillant entre errements et interrogations, exemple d'une jeunesse qui se cherche elle-même tout en n'arrivant pas trouver sa place par rapport au monde des adultes, et ayant décidé, tout du moins pour un temps, de sortir des clous imposés et fuir cette "compétition" et moule imposés par le système scolaire de la société japonaise. L’environnement de la lycéenne semble d'ailleurs peu se soucier de son état et de ses agissements, entre une mère absente qui fait semblant de ne rien voir et de rares amis aux leçons de moral superficielles. Il en va de même avec Kazuyoshi, qui peine lui, à communiquer avec sa famille, où même exprimer le souhait auprès de ses parents d'avoir un petit frère semble un défi insurmontable. À noter aussi que Risa Wataya ne donne et ne veut pas porter de jugement à travers ses écrits ou délivrer un quelconque discours, mais se contente de dépendre une réalité sans prétentions aucunes.
Alors oui, même si je suis toujours plus que bon client lorsqu'il s'agit d'histoires ayant trait au monde lycéen japonais (tout comme coréen et taiwanais), Risa Wataya arrive à passer outre ses défauts notoires pour nous offrir un ensemble plaisant et plein de fraîcheur, ce qui est déjà pas mal quand à côté nombres d'écrivains pètent plus haut que leur cul à longueur de romans. Sachez aussi que le roman a été adapté en film en 2004 par Kataoka Kei, avec Aya Ueto dans le rôle de Asako.
Editions Philippe Picquier - 96 pages - 2001 (Japon)