Peu d’informations sont disponibles sur ce Pale Cocoon, OAV de 23 minutes, sortie au Japon le 18 janvier 2006. Produit par le talentueux studio Rikka, Pale Cocoon possède la particularité que son créateur, Yasuhiro Yoshiura, l’ait entièrement réalisée, endossant tour à tour toutes les casquettes durant les étapes de la production, du scénario au montage en passant par l’animation, prêtant même sa voix au collègue du héros qu’il ne côtoie, tout du moins durant cette OAV, que par l’intermédiaire de la voix. Démarche rare dans le milieu de l’animation nippone actuelle, et qui rappel celle similaire de Makoto Shinkai avec Hoshi no Koe et Kumo no mukou Yakusoku no Basho. Mais Yasuhiro Yoshiura n’en est pas à son premier coup d’essai puisque il avait de la même manière réalisé sa toute première œuvre, Aquatic Language, d’une durée de 9min, en 2002. Présenté pour la première fois en Europe au Future Film Festival de Bologne en 2007 il eut droit par la suite à une autre diffusion au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles.

Dans un futur lointain, les hommes se sont réfugiés sous terre, la vie étant devenue impossible à la surface. L’humanité a complètement oublié son passé, possédant comme seul moyen de retrouver des bribes de ce temps révolu l’étude des archives laissées par les ancêtres des terriens. Ura travaille dans le service d’excavation des données, dans la section 92 des archives située au niveau 0285 de sa colonie, où il est chargé de leur restauration. Il espère ainsi en savoir plus sur les raisons qui ont poussé les hommes à quitter la surface pour se réfugier sous terre. Un jour, Ura découvre un document qui attise sa curiosité…

Que les amateurs de shonens ou d’animés ultra-speedés passent leur chemin, Pale Cocoon est une ouvre de science-fiction contemplative bercée dans le philosophico-poétique. Gorgé d’émotion Pale Cocoon est une réussite sur tous les points. Ce qui marque dès le début est le fait que les personnages, et surtout leurs visages assez simples et peu détaillés, sont mis en retrait au profit de ce qui les entoure. Fourmillant de détails, les environnements sont d’une beauté esthétique et plastique sublime. Les images de synthèses aux différents aspects grisâtres rendent parfaitement le sentiment aseptisé et complètement déshumanisé de ce monde, où l’Homme est ici relégué en arrière-plan des omniprésents écrans aux proportions démultipliés, et qui rendent rapidement oppressante cette atmosphère d’une pâleur cadavérique. Le tout est parfaitement rendu par une animation d’une remarquable fluidité où les mouvements sont d’un tel naturel que la moindre action est criante de vérité. Mélangeant harmonieusement des éléments 2D dans un environnement 3D, les effets de lumière sont parfaitement retranscrits. Yasuhiro Yoshiura nous offre aussi une leçon de cadrage et de réalisation, faisant flotter sa caméra dans des décors fourmillant de détails, expérimentant de manière réfléchie les différents effets de lumières pour nous offrir des visions différentes de la même scène. La partition de Tohru Okada, de plus en plus présente en fonction qu’avance l’intrigue, n’est jamais superflue ou gratuite, mais offre un véritable écrin aux images de Yasuhiro Yoshiura.

A la manière de Twelve Monkeys de Terry Gilliam, les habitants de la Terre sont obligés de vivre sous terre, ici dû à une catastrophe environnementale rendant la surface invivable et inhospitalière pour l’Homme. SF pessimiste, Yasuhiro Yoshiura nous plonge dans un monde sombre, où l’Homme est ici étouffé par ses créations, où il semble insignifiant en comparaison des énormes écrans omniprésents ou de la gigantesque salle d’archives dans laquelle travail Ura. Tous les environnements sont plongés dans cette même teinte de gris morbide et uniforme, ou la nature, totalement absente, a laissé sa place à un tout-technologique devenant l’environnement naturel de l’Homme, reflétant la déshumanisation de notre société pour un monde froid, métallique et morne. L’extérieur, baigné dans une sorte de neige lente, est sombre et mystérieux. On ne voit rien du sous-sol de la planète dans lequel évoluent les protagonistes. Le seul élément qui nous est offert de découvrir est cet escalier, centre de toute l’histoire et de toutes les symboliques du récit, reliant le sous-sol à la surface, trait d’union entre le présent et le passé. Intimiste et éthéré, tout le récit nous est quasiment exclusivement offert à travers les pensées et questionnements de Ura, et avance au rythme du protagoniste principal, c’est à dire lentement et calmement, calqué sur ses découvertes et son questionnement. File conducteur du récit, l’enregistrement que découvre Ura sert ici de déclencheur, et nous offre par son intermédiaire un twist final parfaitement maîtrisé par Yasuhiro Yoshiura. D’abord d’aspect quasi-horrifique, rappelant la cassette de RING, la vidéo, aux images saccadées et aux sons inquiétant, se révèle salvatrice dans la quête de vérité du héros. Cassette qui se révélera dans son contenu totalement inattendu offrant un souffle poétique au dénouement de la quête de Ura. Toute l’histoire tourne autour de la recherches des raisons de la fuite des hommes de la surface la planète bleue, thématique s’étant même glissé dans le titre grâce à un jeu de mot puisque Pale Cocoon, se traduisant par Aoi Tamago, peut signifier œuf bleu.

En utilisant les codes de la hard science-fiction, Yasuhiro Yoshiura nous offre aussi une revisite de l’allégorie de la caverne. Ura image parfaitement la pénible accession des hommes à la connaissance de la réalité, ainsi que la non moins difficile transmission de cette connaissance. Un questionnement sur la place de l’histoire et de la mémoire dans notre société est aussi abordé à travers de nombreuses thématiques. Il y a tout d’abord celui du livre. Dans l’univers de Pale Cocoon le livre est inconnu, tout du moins dans sa forme physique, au profit d’un multimédia omniprésent, offrant un certain écho avec le déclin du support papier, ici comme source de savoir, au profit d’un support numérique prenant de plus en plus de place dans notre vie de tous les jours. A travers le personnage de Riko, Yoshiura pose la question de savoir si l’on peut vivre dans le présent sans tenter de comprendre le passé, si il n’est pas préférable de vivre sans connaître ce qu’il s’est déroulé dans notre passé.

Avec son Pale Coccon Yasuhiro Yoshiura nous offre une court-métrage intelligent teinté d’une poésie touchante, pointant du doigt des questions d’actualités dans un monde où l’humanité est désabusée et fataliste. D’une réalisation impeccable et d’une beauté visuelle remarquable, Pale Coccon est une œuvre envoutante et sans fausse note, d’autant plus qu’il n’a été réalisé que par un seul homme. De plus le magnifique double DVD édité par Dybex permet de découvrir Pale Cocoon dans des conditions optimales.