Les mangas sont décidément une ressource intarissable pour la télé japonaise. Cette fois-ci c’est le manga Life, originellement inspiré du one-shot Vitamine, tous deux du mangaka Suenobu Keiko (édités en France chez Panini Manga) qui se voit porter sur le petit écran. Bien qu’encore une nouvelle fois nous soyons plongés au cœur d’un lycée, on laisse ici de côté les triangles amoureux et autres combats de cœurs pour une plongé dans un phénomène qui frappe la société nippone depuis de très nombreuses années, et qui malheureusement est sous-estimé et surtout peu médiatisé, le phénomène Ijime (いじめ). Derrière ce terme se cache les brimades que subissent ceux qui sont exclus d’un groupe et pris pour cible car différents. Ce phénomène est non seulement très présent dans le milieu scolaire, mais également dans le milieu professionnel et la vie quotidienne. C’est le symptôme criant d’une société où l’individu ne peut exister qu’à travers l’appartenance à un groupe : famille, quartier, école, entreprise… D’où le besoin de gommer ses différences : on peut d’ailleurs résumer cette situation avec le proverbe japonais très célèbre: « le clou qui dépasse appelle le coup de marteau ». C’est une des causes du très important taux de suicide chez les jeunes et de la dérive hikikomori, du fait que les institutions scolaires ferment souvent les yeux, et les victimes ont souvent trop honte pour chercher de l’aide. Il n’y a d’ailleurs quasiment pas de structures en place pour traiter ce problème et aider les victimes, le recours aux travailleurs sociaux et psychologues étant très mal vu dans une culture où il est important de garder la face. Voilà donc un sujet qui nous plonge dans les cotés obscures d’un lycée nippon, et qui a déjà été abordé par le passé, mais de façon moins violente et surtout moins frontale, dans Nobuta Wo Produce. Dans LIFE la tyrannie, l’auto-mutilation, le suicide et le viol sont au cœur de l’intrigue.

L’histoire nous plonge dans le lycée Nishi, où Ayumu y fait son entrée et se rend compte bien vite que la vie de lycéenne n’est pas facile pour tout le monde. Prise pour cible par la leader de la classe, Manami, elle va se retrouver victime de persécutions : moqueries, attaques verbales et physiques…Mais Ayumu décide alors de ne pas se laisser faire…

LIFE est un drama sombre, ou qui possède des zones d’ombres beaucoup plus prononcées que dans bon nombres d’autres productions du même genre, en abordant des thèmes assez peu évoqués à des heures de grandes écoutes sur la télé japonaise. Bien que le sujet ne soit pas des plus joyeux, LIFE se révèle être au finale une très bonne surprise. Laissons de côté les dix premières minutes gnangnan du premier épisode qui nous narrent la petite vie banale de deux lycéennes, mélangé entre amitié et relationnel tendu, déboulant sur le suicide de l’une d’elle. Événement marquant un tournant dans l’histoire et pour Ayumu, puisque cette tragédie viendra la hanter par la suite. Cet évènement la transformera et fera d’elle, jadis souriante et pleine de vie, une adolescente méfiante et renfermée sur elle-même. C’est dans cette ambiance que s’ouvre LIFE, avec l’entrée d’Ayumu au lycée Nishi, établissement que rêvait d’intégrer sa meilleure amie. A partir de là Ayumu tente de relever la tête avant de tomber dans l’enfer de la persécution où elle se retrouvera exclue du reste de sa classe et se verra infliger des traitements montant crescendo dans la violence jusqu’à une tentative de viol par un amateur de bondage (qui possède entre autre un album souvenir de toutes celles passées entre ses mains). Le drama ne nous épargne rien et l’on suit une Ayumu désorientée et ayant perdu tout espoir dans sa lente descente aux enfers qui ne semble jamais prendre fin.

Totalement esseulée, elle ne peut ni se confier à sa mère face à laquelle elle ne veut pas perdre la face ni à une équipe enseignante qui refuse de voir la vérité en face et ne veut surtout pas croire que ce genre de choses puisse arriver dans leur lycée, préférant tout faire pour garder intacte l’image de marque de leur établissement plutôt que d’ouvrir les yeux sur les problèmes de leurs élèves. LIFE nous jette à la figure l’une des faces les moins reluisantes de l’archipel, et nous offre un aperçu d’une face sombre de la société japonaise qui préfère marginaliser ce genre de problèmes plutôt que d’y faire face. L’histoire joue aussi sur les personnages, qui comme dans la réalité ne sont ni tout blanc ni tout noir, mais possède comme tout le monde une part d’ombre, qui peut prendre racine dans certains évènements, comme pour Sako, battu par un père frustré, et qui se répercute sur lui de façon surdimensionnée. La réalisation, bien que très académique, possède un côté punch qui colle parfaitement à l’action. Bien sur nous soyons dans un drama plus sombre que d’habitude, on retrouve comme d’habitude les grands thèmes fédérateurs que sont le dépassement de soi et l’amitié, représenté par le trio Ayumu, Yuuki et Miki, qui tentent vainement de s’extirper, en s’aidant mutuellement, du moule rigide que l’école japonaise leur impose.

Du côté des acteurs les palmes reviennent sans conteste à Kitano Kii (Ayumu), qui nous offre une très bonne prestation, et à Seki Megumi, alias Miki, sorte de grande sœur protectrice d’Ayumu. Il ne faudrait pas en oublier aussi la très bonne prestation de Fukuda Saki (Manami) qui semble avoir trouvé en fille à Papa insuportable à souhaits un rôle dans lequel elle prend un véritable plaisir. Du côté des déceptions, le surjeu de Hosoda Yoshihiko (Sako) fait perdre une grande partie de sa force à son personnage, et ne ressemble plus au final qu’à un freak sans consistance et ridicule. Un bon drama ne serait rien sans une bande son un temps soit peu solide, et celle de LIFE, bien que peu originale, se démarque de par son ambiance sombre et pesante collant parfaitement à l’ambiance de la série, oscillant entre moments mélancoliques et passages plus strident.

Se positionnant dans la haut du panier des dramas japonais, LIFE, s’étalant sur 11 épisodes de 40 minutes, se démarque par une noirceur plus présente que d’habitude dans la production locale. La série nous offre des crêpages de chignons et autres coups de putes made in Japan School assez sympa, qui devrait sans problème convaincre les habitués voir même attirer les plus récalcitrants.